Alors que le monde du podcast a enfin atteint la maturité – aussi bien en termes de taille de catalogue de contenus que de volumes d’audiences – le marché peine encore à décoller.
Plus pour longtemps.
Partout dans le monde , des podcasteurs commencent à vivre de leur production, grâce à de nouveaux moyens de monétisation.
Et c’est maintenant qu’ils doivent choisir entre un Web ouvert et un Web fermé.
Au commencement était Internet…
Il y a quelques décennies, lorsqu’Internet et le « World Wide Web » étaient encore jeunes, tout était ouvert, connecté et interopérable.
N’importe quel logiciel client pouvait se connecter à n’importe quel serveur, à condition qu’il parle la même langue.
Le Web était libre et gratuit. Libre : il n’y avait pas de barrière. Gratuit : ne pas y gagner d’argent était normal.
Le « bug » de l’an 2000
À partir l’an 2000, nous avons commencé à voir émerger de nouvelles plateformes offrant aux créateurs de contenus de nouvelles solutions pour gagner de l’argent.
Youtube est probablement la plus connue : elle a créé un nouvel écosystème et un nouveau marché qui n’existaient pas auparavant. Elle a permis à des milliers d’artistes de bénéficier d’un revenu de leurs vidéos.
Mais le prix à payer en échange d’une expérience fluide et des outils indispensables aux artistes était l’enfermement dans un silo.
Ainsi, morceau par morceau, le Web est devenu, sous nos yeux, un lieu de plateformes fermées.
Par exemple, lorsque vous êtes sur Facebook, vous n’êtes plus sur le Web (en fait vous vous contentez d’utiliser la tuyauterie d’Internet) : vous êtes sur Facebook. Facebook est un formidable système de communication. Mais il a été l’un des premiers à proposer le cloisonnement comme fonction principale. Un message Facebook ne peut être vu, lu et répondu qu’à partir du « logiciel Facebook ».
Mine de rien, cette étanchéité était toute nouvelle : appels téléphoniques, SMS, e-mails, tous peuvent être consultés et répondus depuis n’importe quel équipement compatible.
Désormais sur le « Web fermé » il n’y a plus de compatibilité entre les plateformes. Il est verrouillé.
Bien sûr, la réalité n’est pas si manichéenne : tant que vous comprenez les limites et acceptez les conditions générales d’utilisation d’un service, il n’y a pas de problème. Après tout, le Web, fermé ou ouvert, est un pays libre !
Des problèmes surviennent lorsque vous faites face à un monopole. Si vous n’êtes pas d’accord avec les CGU – que vos raisons soient légitimes ou non d’ailleurs – vous n’avez plus nulle part où aller. Vous êtes muselé.
Le retour des réseaux décentralisés
Les réseaux décentralisés permettent des interactions telles que le Web les avait conçues à l’origine. Ils utilisent d’anciens formats – tels que RSS – ou de nouveaux – tels que ActivityPub.
Ils partagent une règle commune : n’importe qui peut parler à n’importe qui (sauf choix contraire). C’est l’Interopérabilité.
Afin de clarifier les choses, voici, en quelques mots, ce qui peut influencer votre contenu :
Sur le Web ouvert (réseau fédéré, auto-hébergé…) | Sur le Web fermé (Youtube, Apple, Facebook…) |
La Loi | La Loi |
Termes et conditions | |
Intérêts économiques, politiques et idéologiques propres à la plateforme | |
Pression du gouvernement sur la plateforme | |
Signalement en masse de mon contenu par des adversaires ou des concurrents | |
Un robot (bot) | |
Un modérateur de mauvaise humeur | |
Fermeture de la plate-forme | |
… |
Revenons-en à nos podcasts
Parce que le podcast n’a pas évolué depuis deux décennies, il est encore fortement décentralisé. Vous pouvez héberger un podcast n’importe où et l’écouter sur l’application de votre choix.
Ceci a deux conséquences :
- Le monde du podcast est toujours ouvert, comme le Web l’était dans les années 90.
- Il n’est pas facile d’en tirer un pécule.
Les solutions de monétisation de podcasts se répartissent alors en deux catégories :
- celles qui s’appuient un Web fermé,
- celles qui garantissent un Web ouvert.
Apple a récemment lancé une solution qui permet aux podcasteurs de monétiser leur contenu en vendant des abonnements annuels à leur public.
« Ne vous inquiétez de rien, Apple s’occupe de tout. »
Qu’en est-il de vos auditeurs qui n’utilisaient pas Apple Podcast ? Ils sont exclus. Soit ils sont perdus à jamais, soit ils doivent se convertir à Apple.
La même chose semble se déroule sur Spotify où certains podcasts ne sont plus disponibles en dehors de la plateforme.
Un silo fermé est-il nécessaire à la création de valeur ? Bien sûr que non. Ce n’est pas la seule réponse et il en existe de nombreuses autres qui permettent de conserver les choses ouvertes et décentralisées.
PodcastIndex.org (un collectif qui milite pour la préservation du podcast en tant que plate-forme de liberté de parole) a apporté plus d’innovations ouvertes aux podcasts au cours des six derniers mois qu’Apple ne l’a fait en quinze ans :
- Le Réseau Lightning permet aux auditeurs d’envoyer de l’argent directement aux podcasteurs – et à toute personne impliquée dans le processus de création, jusqu’aux développeurs d’applications,
- WebMonetization est un autre moyen de gagner da « vrai » argent auprès de vos auditeurs,
- Les dons / financements,
- Beaucoup d’autres fonctionnalités interopérables (transcriptions, chapitres, extraits sonores, géo-localisation, bande-annonce, licence, formats alternatifs…).
Et bien sûr, plusieurs formats publicitaires existent toujours :
- Le « Host-read » (le podcasteur lit lui-même une pub),
- L’insertion audio dynamique (servie pas un serveur publicitaire placé entre l’hébergeur du podcast et les auditeurs),
- Les pub visuelles (affichées par l’application de podcasts),
- La monétisation contextuelle « Listen-to-click » (une annonce sonore pointe vers une annonce visuelle).
Le Web ouvert n’est ni complexe ni moche. Que vous soyez un éditeur, un podcasteur, un journaliste ou simplement un auditeur, votre contenu doit rester sous votre contrôle et pouvoir être diffusé à qui vous le souhaitez.
Ne cédez pas aux sirènes du Web fermé !
Pour conclure, voici quelques mesures simples que vous pouvez prendre pour garder les podcasts « ouverts » :
- Choisissez une plate-forme d’hébergement qui vous offre la liberté dont vous avez besoin.
- Dans vos émissions, arrêtez de faire de la pub pour les grosses solutions fermées : dites plutôt à vos auditeurs de passer à un logiciel de podcast qui apporte de réelles innovations.
- En tant qu’auditeur, essayez d’utiliser des applications ouvertes. Vous pourriez très bien être agréablement surpris !
Si vous voulez en entendre plus, Anthony Gourraud [qui a également publié sur Podmust, NDRL] m’a invité dans son émission « Des Ondes VOcast » pour discuter de cet article.