C’est une leçon que l’on retrouve régulièrement dans les séries télé politiques : le pouvoir amène toujours l’argent, mais l’argent n’amène pas forcément le pouvoir.
Dernière confirmation en date : on a appris que le podcast n°1 dans le monde, The Joe Rogan Experience, a perdu une part notable de son influence depuis qu’il est devenu une exclusivité Spotify en 2020, racheté par la plateforme pour un montant estimé (mais jamais confirmé) à 250 millions de dollars.
Ainsi, une certaine partie de la communauté de Joe Rogan ne l’a pas suivi lorsqu’il a fait sa bascule. Son pouvoir d’influence lui a apporté l’argent, mais la réciproque n’a pas fonctionné. L’obligation de passer par une plateforme précise pour écouter un podcast, plutôt que ce dernier soit accessible partout, constituerait donc un réel frein afin de continuer de développer son influence. Constituerait : restons prudent en utilisant le conditionnel, car l’enquête (du magazine The Verge) manque d’une donnée cruciale, à savoir les audiences du podcast depuis le rachat, Spotify ne les communiquant pas.
Pourtant, il y a bel et bien un gagnant dans l’histoire : selon Insider, le podcast de Joe Rogan a généré à lui tout seul 4,5% des écoutes de podcasts sur Spotify lors de son premier mois d’exclusivité. Et « JRE » (le surnom du podcast) est n°1 sur Spotify, sans discontinuer, depuis cette époque (septembre 2020). Pour la plateforme : oui, cela valait le coup (ou plutôt donc, le coût) de s’offrir l’influence de Rogan, même si ce n’était qu’au début, même si les choses ont peut-être évolué à la baisse depuis. Et rappelons qu’avec les podcasts, ce sont des millions d’heures d’utilisation de Spotify qui sont générées, sans le moindre versement de droits d’auteurs en contrepartie, contrairement à la musique.
En outre, il y a des circonstances où l’on peut négocier habilement influence et argent dans le cadre d’un podcast exclusif, et la France nous en propose même de bons exemples. Ainsi, quand l’AFP, Le Monde ou Brut signent avec Spotify, ces médias utilisent leur pouvoir pour créer quelque chose de nouveau (un podcast) ce qui n’abîme en rien leur influence existante, tout en récupérant un chèque au passage. L’astuce, vous l’aurez compris, consiste donc à avoir déjà du pouvoir (mais pas de podcast) avant d’aller frapper à la porte d’une plateforme audio. Barack et Michelle, ou Harry et Meghan en savent quelque chose.
En définitive, c’est avant tout le contexte qu’il convient de regarder lorsqu’un podcast est exclusif à une plateforme :
- si le podcast existait déjà avant l’exclusivité, il y a un risque réel qu’il perde de son influence. C’est finalement cela que la plateforme achète. En contrepartie, le créateur du podcast reçoit de l’argent pour son travail, à lui de savoir négocier ce qu’il y perd en partenariats potentiels (sponsors) et en liberté.
- si le podcast n’existe pas et qu’il s’agit d’une création, le rapport de force semble plus équilibré : les deux parties s’engagent sans connaître à l’avance la performance du podcast. Elles y gagneront (ou y perdront) toutes les deux.
Note :
Cet article est issu d’un éditorial de la newsletter Podmust. Il a été modifié et complété depuis son envoi aux abonnés.
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