Le septième art commence à se mettre en action face à la crise climatique. Des productions de film calculent désormais leur bilan carbone pour tenter de réduire leurs émissions de gaz qui contribuent au réchauffement mondial. Mais il y a un autre levier dont peut se servir le septième art : le pouvoir de l'imaginaire.
Les histoires que l'on voit sur grand écran ont un impact sur nos représentations du monde, et celles-ci donnent lieu ensuite à des comportements économiques, sociaux, politiques. C'est ainsi que la culture participe à la construction de la société.
Cyril Dion est réalisateur, écrivain et militant écologiste. Il a cofondé le collectif Cinéma Uni pour la Transition (CUT). Pour lui, après avoir fait la promotion de « l’American way of life » et d’une vision consumériste du monde, le cinéma peut désormais accompagner les changements de la société vers un modèle écologique.
« Pourquoi est-ce que depuis quelques années, décennies, on voit de plus en plus d'héroïnes, à la place de héros, dans les films ? Parce qu'on a voulu changer la représentation selon laquelle un héros serait forcément un mec. Pourquoi est-ce que, par exemple après l'élection de Barack Obama, l'acteur qui jouait David Palmer et qui était donc le président dans la série 24 heures chrono a dit qu'il était sûr qu'ils avaient eu un impact considérable ? Parce que tous les jeudis, il y avait 45 millions de personnes qui regardaient, sur une chaîne américaine, une série dans laquelle le président était noir. Et la série n'en faisait pas toute une histoire, les auteurs ne disaient pas 'c'est bien que le président soit noir', non, juste le président était noir. Et donc les gens se sont habitués à cette réalité-là. »
Indiquer les chemins de la transition écologique
Que peut-on manger, comment se déplacer, de quoi a-t-on envie ? À travers le quotidien qu'il met en scène, le cinéma peut indiquer les chemins de la transition écologique et même les rendre désirables. Par exemple en montrant un repas de famille végétarien, une usine alimentée par des énergies renouvelables, ou des personnages qui trouvent has been de se déplacer en gros SUV et qui ont arrêté l'avion. On peut aussi s'identifier à la trajectoire de grands personnages qui luttent ou changent totalement de vie au nom des enjeux écologiques. Vous pouvez voir par exemple le film de Todd Haynes Dark Waters autour des polluants éternels.
Pour le moment, les films qui dépeignent le monde de demain, transformé par le changement climatique, sont plutôt apocalyptiques. Ce sont surtout des histoires de chaos, « des mondes où il n'y a plus d'eau, plus d'arbres, où il y a davantage de conflits, où on a perdu la bataille », résume le réalisateur Cyril Dion. Ou alors, il s'agit de films enquêtes tels Les algues vertes de Pierre Jolivet sur les effets de l'agrobusiness dans l'ouest de la France. Des histoires plus novatrices apparaissent peu à peu - on pense au Règne animal de Thomas Cailley, mais c'est encore balbutiant. Et il y a un espace immense pour imaginer à quoi ressemblera un avenir où on aura été à la hauteur des enjeux écologiques.
Comment faire émerger ces récits ?
Des collectifs et des festivals se sont lancés dans le travail de faire émerger ces récits, en organisant notamment des résidences d'écriture. Le réalisateur Cyril Dion a participé à l'une d'entre elles : « Des scénaristes me disaient : " C'est compliqué de mettre ça dans les films " et je leur répondais '' Ce qui est un peu bizarre, c'est que ça existe déjà, c'est-à-dire que si vous racontez des histoires qui se passent au présent, vos personnages vivent déjà dans un monde qui se réchauffe, ils vivent déjà dans un monde où les espèces disparaissent. Donc d'une certaine manière, il n'y a rien à faire de particulier, juste à le dire, à ne pas l'occulter. Le monde que vous montrez dans vos films où il n'y a pas de réchauffement climatique, il n'existe pas" Et ils étaient choqués et disaient " Mais c'est vrai, on n’avait jamais pensé à ça ". »
Le collectif CUT entend agréger les différentes initiatives et veut offrir aux réalisateurs un parcours de formation avec des scientifiques, mais aussi pour mettre en relation tous les professionnels du cinéma, indique le réalisateur Cyril Dion. Pour que ces nouveaux récits existent.
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