Les PFAS regroupent plusieurs milliers de composés chimiques très utilisés dans les produits du quotidien. Quasi indestructibles, on les retrouve partout dans l'environnement et on sait désormais qu'ils sont dangereux pour la santé. La France vient d'ailleurs d'adopter une loi anti-PFAS et si dans les pays développés, cette pollution est bien documentée, il existe peu de données en Afrique. Pourtant, le continent n'échappe pas aux « polluants éternels ».
Depuis les années 1950, les PFAS sont largement utilisés dans l'industrie et les produits de tous les jours : textiles imperméables, poêles anti adhésives, emballages alimentaires, frigos et climatiseurs, mousses anti-incendies et jusque dans les produits de beauté. Le problème, c'est qu'il est très difficile de se débarrasser de ces composés chimiques très stables et surnommés « les polluants éternels ».
Ils s'accumulent dans l'environnement, ce qui aboutit à une exposition croissante de la population dans la nourriture, l'eau et même la poussière que l’on peut respirer,note l’ANSES, l’Agence de sécurité sanitaire française.
Récemment, Tlou Chokwe, docteur en chimie environnementale, chercheur associé à l'Université d'Afrique du Sud, a mené une étude pour répertorier ce qu'on sait de cette pollution en Afrique. Les zones urbaines sont les plus touchées. « On en trouve le plus dans les aéroports où les pompiers s'entraînent avec des mousses anti-incendies, dans les stations d'épurations et les eaux usées, surtout à la sortie des usines et aussi dans les décharges où on jette les vieux objets, y compris ceux avec des PFAS. »
« Des taux supérieurs aux recommandations sanitaires »
Surtout que nombre de pays d'Afrique reçoivent des déchets venus d'autres pays dans le monde qui finissent brûlés ou stockés dans des décharges à ciel ouvert et aux émanations toxiques, sans traitements particuliers.
Dans ces zones, les taux de PFAS qui ont été retrouvés peuvent être importants et similaires à ce qu'on mesure dans les pays industrialisés.
Par contre, ailleurs, les taux de pollution sur le continent africain sont parfois plus faibles qu'en Europe ou en Amérique du Nord, où les usines sont plus nombreuses et les contaminations durent depuis plus longtemps. Et pourtant, même dans ces cas-là, « les taux de PFAS restent supérieurs à ce qui est recommandés par les autorités sanitaires pour l'eau potable des pays développés », souligne Tlou Chokwe.
Cela pose un problème de santé public majeur, car ces molécules provoquent cancers, infertilité, diminution de la natalité, et même des retards mentaux à la naissance. Ils réduisent l'efficacité de notre système immunitaire, « ce qui nous rend plus sensibles aux infection et réduit même l’efficacité de la vaccination, ce qui représente un risque sérieux, surtout en Afrique où la prévalence de maladie mortelle est élevée. » Le chercheur rappelle aussi que les PFAS touchent le foie, les reins et « qu’ils sont également associés à des maladies cardiovasculaires et au diabète de type 2 ».
Manque de données et de règlementation
Dans l'environnement, ils contaminent la chaîne alimentaire, dans une autre étude, les chercheurs en ont retrouvés dans les poissons jusque dans les crocodiles.
Et pourtant, cette pollution est encore méconnue en Afrique et les données parcellaires, « surtout en ce qui concerne l'eau potable ». L'Afrique du Sud recense le plus d'études sur le sujet, il y en a quelques-unes au Nigéria et au Kenya, mais qu'une seule au Mali par exemple et rien en Afrique de l'Ouest ou en Afrique centrale francophones. « Pourtant les PFAS sont là », s’alarme Tlou Chokwe. Il est primordial de savoir où et en quelle quantité pour pouvoir protéger la population.
La recherche manque de moyens pour conduire les investigations nécessaires et au niveau de la règlementation, si les autorités sud-africaines ont récemment instauré des limites sanitaires, c'est à notre connaissance le seul pays du continent à l'avoir fait.
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