Ce mois-ci, nous avons décidé d’accompagner la rentrée scolaire en nous penchant sur les podcasts d’apprentissage, ou comment les podcasts s’imposent comme un format incontournable de vulgarisation.
L’audio : le format idéal pour apprendre ?
L’audio présente de nombreux avantages pour se cultiver et apprendre. Bien avant l’invention du podcast, de nombreux contenus éducatifs ont été enregistrés et diffusés. Dès 1947, le ministère de l’Education Nationale inaugure Radio Sorbonne, qui diffuse d’abord essentiellement des cours de préparation à l’agrégation dans les disciplines littéraires, pour donner accès aux cours à ceux qui ne pouvaient pas se déplacer.
Et encore aujourd’hui l’audio continue de se développer comme un support d’apprentissage essentiel. Il n’est d’ailleurs pas rare que les étudiants enregistrent directement leurs professeurs. D’après une enquête de 2016, 20% des étudiants déclarent enregistrer souvent ou systématiquement les cours. Des dizaines et des dizaines d’heures d’archives précieuses pour compléter ses prises de notes ou réécouter entièrement le cours pendant son footing, les transports… ou même en dormant (et oui, il paraît qu’on peut apprendre en dormant).
Les écoles et universités prennent d’ailleurs de plus en plus conscience de cette pratique. Et puisque les cours seront de toute façon enregistrés, certaines proposent des formats enregistrés en complément des cours. C’est le cas de l’Université Libre de Belgique, qui a constaté que 68% de leurs étudiants utilisaient les podcasts fournis directement par l’université pour revoir des passages mal compris, compléter leurs notes ou pour réviser avant leurs examens.
Une nouvelle étape dans l’accès à la connaissance
C’est justement parce qu’il avait conscience de l’intérêt de l’audio pour la mémoire qu’Antoine Cariat a fondé Easyllabus. L’objectif de ce studio de podcasts d’un nouveau genre : produire des cours en podcast pour aider les étudiants à augmenter leur réussite aux examens.
Quand j’étais étudiant, j’avais des centaines de pages à étudier et je m’étais toujours dit que si j’avais toutes ces pages en format audio, j’assimilerais la matière beaucoup plus rapidement. En me renseignant, j’ai découvert que l’on retenait 10% de ce qu’on lisait alors qu’on pouvait retenir 20% à 30% de ce qu’on entendait.
Antoine Cariat, CEO d’Easyllabus
Si le podcast ne réinvente pas le pouvoir mémoriel de l’audio, il est un pas supplémentaire dans le développement de l’accès à la connaissance grâce au numérique. Le savoir devient accessible sur n’importe quel support, dans n’importe quel contexte. C’est pour cela que le Collège de France propose depuis plusieurs années de nombreux cours, conférences et colloques en podcast, honorant ainsi sa promesse de donner un libre accès au savoir sur “la science en train de se faire”.
Le podcast est un format hyper adapté pour des temps de voyage et de pratique sportive où on peut se concentrer sur un contenu d’apprentissage.
Antoine Rouchier, créateur du podcast Mot Compte Triple
En devenant plus facilement transportable, le podcast ouvre de nouveaux espaces à la connaissance. Des temps vides peuvent devenir l’occasion d’apprendre sans cesse, d’habiter des moments où l’espace visuel ne peut pas être occupé mais où le cerveau garde toute sa capacité d’attention : les déplacements, la vaisselle, la cuisine… Là où l’on n’avait parfois d’autres choix que de débrancher son cerveau, le podcast crée de nouveaux temps d’apprentissage dans le quotidien.
S’adresser à l’intelligence de son audience
Bien que de plus en plus importantes, les audiences des podcasts d’apprentissage restent bien en deçà des chiffres des très nombreuses chaînes YouTube de vulgarisation. Le format vidéo reste plus attractif, le support visuel facilite grandement l’apprentissage, et la toute-puissance de la plateforme vidéo de Google n’est plus à démontrer.
Un constat partagé par Matthieu du podcast PsychoShot (un podcast qui vise à décupler votre connaissance de la psychologie humaine) : “Il y a énormément de contenus de vulgarisation sur Youtube, un peu moins dans le monde du podcast mais ça risque de bien se développer dans les mois qui viennent”. En permettant d’apprendre en faisant la vaisselle, le podcast pourrait en effet tirer son épingle du jeu dans la prolifération récente de contenus de vulgarisation.
Je suis persuadé que le podcast est un format parfaitement adapté à l’éducation, à la culture et au développement personnel. Si l’on arrive à proposer un contenu rythmé, dynamique, illustré voire même immersif, l’auditeur écoute avec plaisir et apprend de façon agréable !
Gabriel Macé, créateur du Studio Biloba (Culture G et Perles d’Histoire)
Et effectivement, les formats qui s’adaptent aux nouvelles pratiques de consommation rencontrent leur audience. “Culture G” a dépassé le million d’écoutes début 2020 et “Mourir Moins Con” recense plus de 300 000 téléchargements par mois d’après les derniers chiffres fournis par l’ACPM.
Ghislain de Haut de Sigy, directeur adjoint contenus et audience du Groupe Cerise, nous a détaillé la volonté de créer avec Mourir Moins Con un format agréable : “L’appétence des audiences pour les petits savoirs qui allient la connaissance, la culture générale et une touche d’humour permettait d’avoir une promesse assez claire. L’objectif était de ne pas broder, de répondre directement à la question posée.” Le format “Mourir Moins Con” a d’ailleurs été décliné pour les plus petits : “Grandir Moins Con”, pour “leur donner des connaissances mais aussi des clés de compréhension sur le monde des adultes”.
Les éditeurs utilisent différents procédés pour rendre la culture à la fois accessible et agréable à consommer pour le grand public. Certains choisissent de découper des épisodes très courts, pour donner à entendre de courtes capsules, facile à consommer au quotidien. Quand Gabriel Macé a commencé à produire Culture G, il s’est positionné sur ce format dès ses débuts : “Il y avait peu de podcasts courts, c’est aussi ce qui m’a poussé à me lancer. Un pari gagnant puisque je reçois souvent des messages de personnes qui me disent apprécier que les épisodes soient courts et synthétiques.”
D’autres misent sur le divertissement, en ajoutant à la vulgarisation ou l’expertise proposée des formats bien rythmés par des quizzes ou des interludes, comme “Mourir Moins Con” qui glisse des extraits de film “pour rythmer le podcast, mettre des respirations et proposer « un truc en plus »”.
Les nouveaux passeurs de savoir
L’autre atout du podcast – et que l’on retrouvera certainement dans toutes les thématiques que nous traiterons ici – est évidemment le lien qui se crée entre l’auditeur et l’hôte du podcast. Un lien inquantifiable et indescriptible, une véritable relation de confiance qui s’instaure entre un podcast et son public. C’est un point particulièrement important dans les podcasts qui traitent de la connaissance, car la confiance est capitale pour la transmission d’informations.
Il est parfois difficile de distinguer les contenus fiables, dont les informations sont vérifiées, de ceux qui ne le sont pas. Et cela n’est pas sans conséquence ! Quand on lance un podcast, il faut de la patience et de la rigueur pour gagner la confiance des auditeurs.
Gabriel Macé
Le podcast est un format fondamentalement intelligent. En se passant d’artifices visuels, il se doit de transmettre directement des informations et émotions. En libérant l’espace visuel et en laissant travailler l’imaginaire de l’audience, le podcast s’adresse directement à l’intelligence de son public. C’est pour cela qu’un éditeur ne peut pas tricher. L’audience d’un podcast d’apprentissage est difficile car véritablement à l’écoute, ce qui la rend d’autant plus précieuse une fois acquise.
Tous les podcasts d’apprentissage ne sont pourtant pas tenus par des experts dans leur domaine. Les animateurs et animatrices de podcasts de culture générale ne prétendent pas tout savoir sur tout. Mais ils se positionnent comme des “passeurs de savoir”, selon la formule de Jamy Gourmaud, pilier de la vulgarisation. Il dit se considérer humblement comme “le lien entre les sachants et ceux qui se nourrissent de leur savoir”. Un rôle très important et qui nécessite passion et abnégation, deux qualités qui sont reconnues et appréciées à leur juste mesure par les auditeurs des podcasts d’apprentissage.
Le podcast est complémentaire à tous les autres formats de vulgarisation, et il a bien sa place dans ce paysage. Comme le dit Antoine Rouchier du podcast “Mot Compte Triple”, “il y a encore beaucoup de terrains à explorer (et tant mieux) notamment avec la période si particulière que nous vivons.” Et alors que les conditions actuelles nécessitent de plus en plus de formation à distance, le nombre de podcasts d’apprentissage pourrait bien continuer de se développer à l’avenir.